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Le pavillon du cinéma
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1 janvier 2007

Indigènes

Après un récent passage dans les salles obscurs (Enfin ! Ca faisait longtemps... ^^), je me suis fait un devoir de vous présenter un film génialissime, le bien nommé Indigènes, réalisé par Rachid Bouchareb.
Cette fiction (et j'insiste sur ce mot et j'y reviendrais plus tard) "historique" nous narre le périple de quatre compagnons d'armes se déroulant entre 1939 et 1944 (avec un petit passage en 2004) entre le Maghreb et l'Alsace. On suivra leur parcours semé d'épreuves à la recherche d'une sorte de Graal, chacun ayant un sens symbolique différent suivant le personnage.

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Ces quatre jeunes hommes, incarnés par Jamel Debbouze (Said), Samy Nacéri (Yassir), Sami Bouajila (Caporal Abdelkader) et Roschdy Zem (Messaoud) incarnent à eux seuls toutes les tragédies qu'ont pu subir les tirailleurs africains (et par extension tous les imigrés) pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Ici, point de diabolisation à outrance, ni des allemands (pas très présents), ni des supérieurs hiérarchiques (qui sont quasiment autant de salauds que pas), simplement des faits, tous plus crédibles les uns que les autres. Pradoxalement, j'ai l'impression que c'est le choix de réaliser une "vraie" fiction qui a permis autant de vérité, de cohérence, car le fait de traiter un tel sujet sous une forme pseudo-historico-biographique a tendance à tenter de rendre les "gentils" plus gentils, à les faire passer pour de vrais héros, et de rendre les "méchants" encore plus vils et salauds.
Mais la fiction permet de se détacher de tout ça, on nous narre une histoire où l'humanité même du plus pourri des Hommes nous émeut et nous touche vraiment. Qui plus est, qui dit fiction, dit quasi-liberté pour traiter un sujet qui tient à coeur comme on le désire.

En plus de celà, dès le début du film, dès le générique, un constat s'impose : C'est Beau ! C'est extrêmement beau. A l'oeil comme à l'oreille.
Mais connaissant l'Histoire (avec une majuscule), ce constat se mêle inconsciemment, imperceptiblement avec un autre sentiment : tout cela est d'une tristesse intense (pour diverses raisons), mais subtile. On la ressent sans y penser, comme si elle se réservait pour mieux nous atteindre.
Et tout au long du film, ces deux sensations s'entremêlent, se repoussent l'une l'autre. Un mélange auquel vient s'ajouter une terrible cruauté au vue des images, mais encore une fois assez fine pour ne pas désaquilibrer le film. Nos sentiments sont balancés dans tous les sens, telle la houle des vagues, sans pour autant nous donner le mal de mer.
Mais tous ces sentiments frappent quand tout s'arrête. Dès que les noms commencent à défiler à l'écran, d'un coup les larmes me sont montées au yeux, comme une prise de conscience tardive. Je ne m'y attendais pas du tout, vu que tous les moments cuels du film étaient déjà passés. Ce film fait travailler l'esprit.

De surcroît, la force du message (qui a souvent été évoqué par ci par là) semble ici accrue. Ce message nous touche de plus ou moins près certes, mais nous touche plus fort que d'habitude quand même.
La raison ? Le silence !
L'une des grandes forces du film réside dans le non-dit. Ici, une intonation, une (non-)réaction ou simplement un regard en dit plus long et traite certains sujets plus profondément que le plus long des discours. Et par là même tout ceci nous reste plus  longtemps en mémoire car le film fait travailler son esprit critique pour arriver à faire passer même la base du message.
Il y a par exemple une scène où l'on voit le Caporal Abdelkader rentrer chez lui.
Comme ça, je suis d'accord et je l'admets volontiers, cela ne semble pas frappant. Mais je mets au défi quiconque de ne pas ressentir la lourdeur (de sens) de cette action.
Beaucoup de scènes, minutes, secondes de ce genre parcourent le film.
De plus la période pendant laquelle se déroule le film le rend encore plus puissant. En effet, pendant que le monde fustige les Nazis, un racisme profond s'installe en France, sous couvert des évènements et sans que personne ne fasse rien (ou pas grand chose).
Cette fiction est plus qu'efficace : elle est subtile et servie par des acteurs qui n'ont pas toujours été bons, mais géniaux dans Indigènes.

Je vais donc vous présenter une autre des (très) grandes forces de ce film : les quatre acteurs/personnages principaux (je ne pourrait pas vraiment parler de l'acteur en soit, tant il se fond dans son personnage), tous plus vrais (que nature) les uns que les autres.

Samy Nacéri (aka Yassir) :
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Il entre avec son jeune frère dans l'armée française, principalement pour l'argent. Il se fiche pas mal de la France pour qui il se bat mais est prêt à tout pour gagner un peu plus de sous pour mieux vivre et offrir un mariage à son frangin. Il semble terrible au début du film, mais paraît s'adoucir tout du long, au fur et à mesure qu'on commence à le connaître et le comprendre.
En tout cas Samy Nacéri (l'acteur) est méconnaissable dans ce film. Personnellement j'adore.

Jamel Debbouze (aka Said) :
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Il joue le rôle d'un homme plus ou moins simplet, cherchant la reconnaissance, non pas nationale, mais d'une personne quelconque, pour suivre sa route jusqu'à un but indéfini.
Pour ce rôle, Jamel s'est totalement débarassé des toutes ses mimiques habituelles (et ce doit être très dur quand on voit que certains grands acteurs se sont fait bouffer par ces dites mimiques, comme De Niro par exemple) et confirme une chose : je suis vraiment fan de lui.
Et puis il arrive quand même à faire sourire malgré tout, une âme de comique ne se perd jamais...

Sami Bouajila (aka Le Caporal Abdelkader) :
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Il incarne un homme de devoir qui donne tout ce qu'il a pour servir la France (c'est "SA" patrie). Il essaye plus que tout de prouver que même étant Maghrebin, on a aussi des droits et que l'on est capable de faire aussi bien que tout le monde. C'est pour ça d'ailleurs je pense qu'il a passé les concours de gradés. Il est juste et n'a aps de parti pris, assez sage et magnifiquement rendu vivant par Sami Bouajila.

Roschdy Zem (aka Messaoud) :
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C'est sans doute le personnage principal dont on en connaît le moins, et qui paraît du coup plus "normal".
Mais le personnage se développera néanmoins grâce à une "histoire d'amour" (non y'a pas d'eau de rose là dedans) mettant en avant la dureté de la censure militaire du courrier, le peu de moyens de savoir ce qu'il se pase réellement sur le front (et d'y cacher les atrocités qui s'y passent, ou pas, mais ça tout le monde le sait déjà)) et le fait qu'il est très difficile après avoir goûté au "luxe" de la France de revenir là où il est né. Une sorte d'attachement profond non réciproque...
Il nous expose le rêve que peut représenter la France dans la tête de ces tirailleurs (qui portent alors très bien leur nom : rester dans ce beau pays, où retourner dans un autre plus pauvre mais où se trouvent nos racines. Une question qui peut être élargie de nos jours avec ce même point en ajoutant que certains immigrés sont rejettés aussi bien en France, car étant "étrangers" mais aussi rejetés de leur pays d'origine, car étant "français").
Le tout servi par la bonne bouille de Roschdy Zem avec un peu d'humour ("pas de chance" ^^. vous comprendrez envoyant le film)

J'ai parlé uniquement de ces quatre là, mais plusieurs personnages secondaires auraient mérités leur petite description, comme Bernard Blancan (le Sergent Martinez).

Donc ces quatre bonhommes représentent chacun une facette de toutes les peines qui tiraillaient ces "faux" français, se battant pour (libérer) la France, leur patrie (mais eux ne sont pas ses citoyens), parce que c'est "leur" pays, mais qui ne seront pas honorés come les autres, enfin non, ils ne seront tout simplement pas considérés comme les autres (ce qui n'est parfois pas plus mal).
Ils sont français sans l'être. De là naît une crise d'identité formidablement personnifiée par le Sergent Martinez, gradé français, qui va jusqu'à cacher ses origines maghrebines, mais gardant constemment sur lui une photo les lui rappelant. Le choix est libre d'interpréter comme on le désire cet acte. Pour ma part j'aime à penser que cela permet au moins au Sergent de pourvoir interférer au près de supérieurs hiérarchiques afin d'aider ces "Indigènes" venus d'Afrique (ceux venant d'Afrique Noire étant plus que mal traitée, ils n'ont même pas droit à un regard de leur chef avant de partir à l'abattoir), ces sans-noms, ces gens que les gradés français ne savent pas vraiment comment appeler. Même si c'est vrai qu'à ça, on ne peut oter la volonté sûrement de passer pour français pour avoir une meilleure vie, une meilleure réussite.

Pourtant, force est de constater leur utilité pour l'armée de ces personnes. Mais de suite après les combats, ils sont oubliés et redeviennet ce qu'ils étaient : des parias, des étrangers. Et on les laisse tomber, on ne les forme pas, ne les éduque pas, eux qui cherchent par tout les moyens d'obtenir de la reconnaissance de la France.
Et le constat final est assez déroutant : Morts, ils sont logés à la même enseigne que leurs frères d'armes français. Mais vivants, ils sont oubliés, considérés comme morts, le repos éternel en moins.

Pour conclure, je me contenterais presque de simplement vous conseiller d'aller voir ce film, parce que dans cette histoire, une grande part est laissée libre à l'interprétation et il serait fort probable que vous ne le voyiez pas du tout sous le même jour que moi.
En tout cas il s'agit d'un très très bon film, servi par d'exellents acteurs (qui méritent amplement leur prix d'interprétation masculine groupé au dernier Festival de Cannes) et par une musique envoutante.
Et un film qui fait du bien en cette période d'anti-musulmanisme primaire. Il est bon de se souvenir qu'il y en a des deux côtés qui sont en tort.

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