La belle personne.
Si vous n’aimez pas ce film de Christophe Honoré, plaignez-vous à votre président. Le réalisateur affirme l’avoir produit en réaction à un commentaire un poil sarcastique de N. S. qui expliquait que savoir faire une explication de texte de l’œuvre de madame de Lafayette n’était d’aucune utilité aux membres de l’administration.
Du, coup, la Belle Personne est la pour rappeler que la littérature est intemporelle et toujours aussi apte à véhiculer des émotions, que les amours d’hier sont aussi ceux de demain, et que ce n’est parce que le président de la république s’est emmerdé en cours de français que la culture est quelques chose de superficiel et de facultatif.
Il s'agit donc d'une transposition de « La Princesse de Clèves » en milieux lycéen.
Junie, une jeune fille entière et intacte, va se retrouver confronter à l’amour et a ses conséquences, parmi lesquelles la jalousie et la culpabilité. Anticipant sur la mort des sentiments et la souffrance, elle le fuira.
La cours royale est devenue un lycée huppé, la jeune fille qui fait ses débuts en société est devenue Junie, une élève récemment transférée suite au décès de sa mère, le prince de Clèves est devenu son premier petit copain, le séducteur monsieur de Nemours a vus son statut de prédateur renforcé en devenant professeur d’Italien, le portrait est devenu une photo de classe, etc. etc. …les péripéties du livre sont donc pleinement exploitées, même si je l’ai lu il y un certains temps et ne peux donc pas le certifier sur l’honneur.
Honoré a également fait le parti pris d’un lycée chic ou les élèves seraient cultivés et discuteraient d’égal à égal avec leurs professeurs, ce qui transcende plutôt agréablement les clichés sur les lycéens. Cela donne des moments inégalement justes, comme cette scène de lavabos ou on entend une lycéenne annoncer de but en blanc à Junie « j’ai des relations sexuelles avec ton cousin » ou encor l’absence totale d’imbécile de service. Aussi classes, aisés, matures et favorisés que soient les lycéens qu’il a choisit de dépeindre il y a toujours des élèves plus immatures ou moins populaires que les autres dans une classe de 25 élèves et tout ne peut pas être aussi dénué de frictions et de mesquineries. A noter aussi que Nemours sort avec professeurs et élèves sans distinction et sans réelle coupure temporelle. Ce parti prit étant poussé un peu loin, le film sonne parfois un peu faux.
Malgré ça la transposition lycéenne m’a convaincue. (Scène des petits mots très marrante)
J'ai surtout apprécié L’importance donnée au regard des autres, à l’image que l’on véhicule, qui est très bien rendue. La caméra saisit les regards au vol, scrute les mouvements des uns et es autres, rend avec justesse le ballet des apparences, le parcours des rumeurs.
Le filme est beau, distille sont ambiance hivernale avec mélancolie. Les acteurs sont bons à conditions d’adhérer au festival de « Fils De »(Louis Garrel, Léa Seydoux, Agathe Bonitzer déjà vu dans Le Grand Alibi, le film de papa) et au fait que l’on retrouve Louis Garrel et Grégoire Leprince-Ringuet dans une même distribution, brun facétieux mais grave / blond doux et franc. En gros si vous leur trouviez des charismes de courgette bouillie dans « Les Chansons d’Amour » ça ne devrait pas beaucoup changer, mais pour ma part j’ai été convaincue.
Quant à Léa Seydoux, qui interprète Junie, elle est très convaincante, et possède une belle présence. Bien sûr, au bout d’un moment, la voir camper la même moue pendant tout le film finit par donner des envie de carabine à plombs, mais ayant eue exactement le même sentiment avec le personnage original de Mme de Lafayette je prends ça pour un une volonté délibérée.
Malgré quelques maladresses (la scène ou quelque chose tombe du deuxième étage est un poil précipitée, hum hum…), et une vision un trop fantasmée du lycée La Belle Personne est un filme beau et sensible que je vous recommande.